Roger Diener, le timide architecte à la recherche de l’essentiel
Tout de noir vêtu, d'une élégance discrète, il devient impossible de ne pas le remarquer, ni d'identifier le type de métier qu'il exerce. L’architecte Roger Diener cultive la simplicité et la discrétion dans son apparence, comme dans son travail. Pourtant, l’affable Bâlois construit à tour de bras, en Suisse comme à l’étranger où sa patte est très demandée.
Roger Diener assume son style «architecte». Il ne s’inscrit pas dans la veine des «starchitectes» qui courent parfois derrière la démesure. Roger Diener assume un design sobre au service d’une architecture qui entre en résonance avec la cohésion sociale de la ville.
Le Bâlois ne détruit pas pour reconstruire. Il réhabilite l’histoire pour l’ancrer dans le futur. Cette posture s’inscrit jusque dans la raison sociale de son studio d’architecture Diener & Diener. Un double nom en référence à son père Marcus – architecte lui-aussi – qui a fondé l’agence en 1942. Elle emploie aujourd’hui des dizaines de personnes à Bâle et à Berlin. Père et fils collaborent en 1976 lorsque Roger, fraîchement diplômés de l’EPFZ, rejoint l’agence. Puis deviennent partenaires en 1980. La filiation, la question du prolongement et de l’héritage sont au centre du travail de l’architecte. Roger aime restaurer, intervenir sur des fragments d’immeubles pour les transformer et en faire évoluer l’usage.
Le bâti impose des contraintes à l’architecte et la recherche de solutions dans lesquelles surgissent des réalisations intéressantes et innovantes. Au tournant des années 2000, c’est Roger Diener qui érige une annexe contemporaine à l’historique Schweizerhof de Lucerne. Le chantier a duré cinq bonnes années et exacerbé les passions entre les visionnaires et les défenseurs du patrimoine. Fin négociateur, Roger Diener finit par faire une proposition. Pari gagnant. Le Schweizerhof est aujourd’hui approuvé à l'unanimité par la population et par les responsables des monuments historiques.
Les expérimentations du «Studio Basel»
L’architecte est un homme de dialogue. Il aime l’échange permanent et l’enseignement. Une activité qu’il mène intensément en parallèle de son métier. Après quatre ans d’enseignement à l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, Roger Diener est le professeur invité à Harvard, Cambridge, Vienne, Amsterdam, Copenhague. Enfin à Bâle, dans l’institut d’architecture relié à l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich. Depuis vingt ans, il y enseigne tout en menant une vaste recherche sur la ville contemporaine, en alternance avec ses confrères Jacques Herzog et Pierre de Meuron, ainsi qu’avec Marcel Mieili. Le quatuor d’architectes dirige le «Studio Basel», un laboratoire expérimental externe, développé pour tester de nouvelles formes et méthodes d'enseignement.
La Chine le sollicite beaucoup, mais Roger Diener ne tient pas forcément à y construire. Il est bien assez occupé avec les villes européennes. En première ligne Berlin où l’architecte bâlois réalise l’annexe de l’ambassade de Suisse. Lors de son achèvement en 1999, les Berlinois plébiscitent la réalisation alors que les milieux politiques et médiatiques suisses lui reprochent son béton et sa façade borgne. Berlin est la ville parfaite pour Roger Diener puisque tout y est affaire de destruction et de reconstruction. L’architecte sévit dans d’autres coins de la capitale allemande en laissant sa patte dans la rénovation du Musée d’histoire naturelle de l’Université Humboldt.
Dans son milieu en Suisse
S’il aime l’histoire, Roger Diener ne regarde pas en arrière. Les prix, les rétrospectives sur ses travaux, les expositions le mettent mal à l’aise. L’architecte met son énergie à faire évoluer l’histoire, sans barrière. On retrouve ainsi sa signature dans l’architecture résidentielle, commerciale, culturelle ou historique comme à Drancy, en France, où le Bâlois construit le mémorial de la Shoah. Roger Diener s’exprime en Suisse. Dans sa ville natale plus particulièrement où il façonne le campus de Novartis. A Genève, l’architecte a été mandaté en 2011 pour concevoir le périmètre dit de Grosselin, qui s’étend sur une vingtaine d’hectares à la Praille. Il s’agit de construire un quartier capable, à terme, d’accueillir 3000 logements et autant d’emplois. Le défi reste à chaque fois le même: la mise en relation de l’architecture avec la ville.
Ses plus grandes réalisations
Ambassade suisse de Berlin
Musée d’histoire naturelle Berlin
Memorial de la Shoah Drancy, France
Campus Novartis, Bâle
Port de Malmö, Suède
Quartier de Grosselin, Praille Genève