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18 octobre 2017

Peter Zumthor : la matière, l’âme et la poétique du lieu

Parfois dépeint comme l’apôtre de la slow architecture par ses contemporains, comme un ascète qui travaille en pantoufles et refuse toute rencontre, médias et clients y compris, hors de son atelier-domicile dans les Grisons, Peter Zumthor fascine, agace parfois, par son refus de la « monumentalité » actuelle et son approche singulière de tout projet, qu’il soit privé ou collectif : prendre le temps, créer une atmosphère grâce à la matière, la lumière, partir de l’intérieur vers l’extérieur, tisser une relation avec son client, créer avant tout de l’émotion.

L’acquisition d’un savoir-faire

 

Né en avril 1943, il commence sa carrière par un apprentissage d’ébéniste auprès de son père, puis devient charpentier, en passant par l’École d’arts appliqués de Bâle, sa ville natale. L’architecture vient ensuite, une formation de design industriel à New York, au Pratt Institute. Rentré sans diplôme, Peter Zumthor acquiert alors les bases de son art et de sa sensibilité d’architecte grâce à ses années passées en tant que conservateur du patrimoine auprès des Monuments historiques du canton des Grisons : les spécificités et la noblesse des matériaux, les réalités prosaïques et inspirantes du chantier, l’étude de la façon d’implanter un lieu dans son environnement.

 

La naissance d’un langage architectural

 

En presque quarante ans d’activité, il crée son agence en 1979 à Haldenstein où elle se trouve toujours, Peter Zumthor a su créer un véritable langage architectural, un savoir-faire qui se concentre autour d’une architecture anatomique, physique, d’où l’importance de sa présence sur le chantier comme lieu de création. Une architecture acoustique, la vibration est cruciale, comme dans les Thermes de Vals, par exemple. Une architecture thermique également, souvent matérialisée par l’usage du bois, comme une forme d’hommage aux architectures alpines traditionnelles.

 

La révélation de la lumière

 

Une architecture sensuelle également, une ouverture qui encadre un paysage, l’usage d’essences de bois locales, odorantes, le passage du dedans vers le dehors, les jeux d’échelles, la liberté de déambulation à l’intérieur et puis l’utilisation, la révélation de la lumière, exemple magnifique représenté par l’encadrement de lumière autour de la porte triangulaire de la chapelle de « Frère Nicolas », construite en mémoire de Nicolas de Flue, à Wachendorf, dans le massif de l’Eifel, en Allemagne.

 

Un architecte humble, passionné et sincère

 

Peter Zumthor, devenu en une vingtaine de réalisations seulement un mythe vivant, courtisé par les stars de cinéma et les grandes fortunes mondiales, se laisse le choix de n’accepter que des projets faisant sens pour lui, par leur dimension sociale, culturelle ou par leur intégration dans le paysage. Le Mémorial Steilneset, en  Norvège, dans la province du Finnmark, réalisé en collaboration avec l’artiste franco-américaine Louise Bourgeois, décédée peu après, en est une remarquable illustration.

Un lieu de mémoire dédié à 91 femmes accusées de sorcellerie et brûlées vives au XVIIe siècle. Une atmosphère puissante, dans une région au-delà du cercle polaire, dans un lieu laissé presque brut : de la roche, de l’herbe, prise dans la neige et la glace en hiver, un bâtiment allongé, comme une longue pirogue ou un cocon, arrimé par des filins à une structure de bois, dans lequel sont présentées les victimes, une à une.

Puis, un pavillon noir, ouvert aux vents, presque cubique, dont les parois sont constituées de panneaux mobiles, surmonté d’un toit surélevé, qui abrite l’oeuvre de Louise Bourgeois, perpétuellement enflammée : une chaise traversée par le feu qui se reflète dans sept miroirs ovales. Zumthor dira qu’il considère ce lieu comme une réussite, car, en y pénétrant, l’on sent la présence de ces femmes et on a les larmes aux yeux.

Peter Zumthor emploie moins de 30 personnes dans son agence de Haldenstein, un village grison proche de Coire, ce qui en fait un studio plutôt modeste malgré son succès. La Casa Z, c’est son nom, jouxte sa maison privée, visible par tous, témoignage tangible de l’humilité d’un homme habité par la nécessité de faire lieu plus que de faire oeuvre.

 

Récompenses :

 

  • 1992, élu membre de l’Académie des arts de Berlin
  • 1998, reçoit le prix Carlsberg d'architecture pour le Musée d’art de Bregenz, en Autriche et les Thermes de Vals, dans les Grisons, en Suisse
  • 2009, reçoit le Prix Pritzker, la plus haute distinction en architecture
  • 2013, reçoit La Royal Gold Medal du RIBA (Royal Institute of British Architects

 

Parmi ses plus belles réalisations :

 

1993-1996, les Thermes de Vals, dans les Grisons


1990-1997, le « KUB », le Musée d'art de Bregenz, en Autriche


2000, «Corps sonore suisse», le pavillon suisse de l’Exposition universelle de Hanovre, en Allemagne


2007, « Kolumba », le Musée diocésain de Sainte-Colombe, à Cologne, en Allemagne


2007, la chapelle de "Frère Nicolas », à Wachendorf, en Allemagne


2011, le pavillon d’été, éphémère, de la galerie Serpentine à Londres


2011, le « Steilneset Memorial", réalisé en collaboration avec l’artiste franco-américaine Louise Bourgeois, en Norvège


2016, le Musée des mines de zinc à Allmannajuvet, en Norvège

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